Rives du lac de Cazaux, un matin du mois de décembre.

Les cygnes et les canards glissent tranquillement sur les eaux brumeuses qui bordent l’héliport face à un totem et un toucan qui campent devant l’entrée du CFSS (le Centre de formation à la survie et au sauvetage, prononcez « CF2S »), un centre de formation des armées unique en France.

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Le rôle du CFSS ?

Dispenser des formations à la survie à tous les personnels navigants (PN) : les pilotes, les mécaniciens navigants, les personnels d’évacuation médicale, etc… Ils doivent apprendre à survivre en milieu hostile en attendant d’être évacués par des forces alliées en cas de crash. Les formations du CFSS suivent le processus OTAN, le cursus d’obtention des qualifications est un passage obligé.

Qu’y apprend-on ?

Tout d’abord les quatre règles essentielles à la survie : se protéger, se signaler, s’hydrater, se nourrir puis comment les mettre en œuvre lorsqu’on se retrouve en difficulté. Rien de mieux que la mise en application ! Les stagiaires se retrouvent rapidement sur le terrain pour restitution : communiquer à la radio, se cacher (de manière élaborée), s’extirper d’une carlingue immergée, d’un parachute, se construire un abri …

Apprendre à survivre c’est bien, apprendre à survivre sur tous les styles de terrains et sous tous les climats, c’est encore mieux ! Ainsi, le CFSS met ses stagiaires en immersions dans tous les milieux où les missions des armées françaises pourraient les mener : milieu terrestre, maritime, désertique, jungle équatoriale, sous climat tempéré ou temps froid et dans les conditions possibles de crash : temps de paix et temps de guerre, car forcément l’attente des secours ne se vivra pas de la même manière suivant le contexte.

Le CFSS dépend du Commandement des forces aériennes (CFA), le centre étant placé sous l’égide de la BFSA (Brigade des Forces Spéciales Air) et dénombre une quarantaine de membres, instructeurs pour la moitié. Beaucoup sont des commandos, passés par les plus prestigieuses unités de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE), mais aussi de la Marine Nationale (2) et de l’armée de Terre (1), mais il y a aussi trois sauveteurs-plongeurs.

Les stages nécessitant beaucoup de matériel, l’équipe compte également sept mécaniciens qui ont pour mission d’entretenir les bateaux et les véhicules et de reconditionner le matériel des équipements et paquetages, et il y en a ! Beaucoup ! Temps froid, zone sèche, zone humide… Cordes, parachutes, bottes chaudes, gants, combinaisons, canots de sauvetage…

L’équipe peut en plus compter sur trois réservistes : un sauveteur-plongeur (pour en savoir plus sur son parcours, c’est par ici), un instructeur survie et un réserviste dévolu à l’entretien du balisage.

« Il n’y a pas une semaine sans stage dans notre planning. Sur chaque stage un officier est responsable de la conduite. Quand on en a un en Guyane et un autre ailleurs, on est contents d’avoir un réserviste pour assurer la mission. » explique le lieutenant-colonel Alain, commandant du CFSS. Les réservistes apportent aussi un soutien bienvenu dans les spécialités déficitaires telles que celle des sauveteurs-plongeurs.

« Les réservistes sont des gens de valeur, il ne faut pas s’en priver, déclare le lieutenant-colonel Alain. Chez nous ils assurent beaucoup de missions et comblent le manque. Ils ont une expertise opérationnelle très utile et son employables immédiatement, clef en main, c’est un gros avantage ».

Mais reprenons notre narration. Comme toujours, le programme est chargée au CFSS. En cette semaine de fin d’année, deux stages se déroulent en simultané. Et ça tombe plutôt bien ! Un groupe du CPA30 (commandos parachutistes de l’air) est venu passer sa qualification CSAR (combat search and rescue), et une dizaine de PN de l’armée de Terre et de la Marine sont venus pour leur stage survie en zone de guerre. Les stagiaires campent donc leurs rôles respectifs dans une situation parfaitement réaliste : les premiers viennent secourir les seconds.

Avant de démarrer l’exercice de restitution, chacun se prépare.

Dans un hangar reculé de la BA120, Les instructeurs écoutent attentivement le briefing mission préparé par la dizaine d’opérateurs du CPA30. Objectif de la mission, point sur ressources humaines et matérielles, conditions météorologiques, moyens d’extraction, nombre de personnes à évacuer, fréquences de communications, description du terrain, de la population locale, cas non conformes, no gos (lignes rouges), les aborts (motifs pour lesquelles la mission serait annulée) … Tous les éléments nécessaires à l’exécution de la mission sont passés en revue sous l’oreille et l’œil attentifs des instructeurs du CFSS qui les débrieferont afin de les aider à perfectionner leurs présentations grâce à leur propre expérience des missions CSAR. Ce jour-là ils reviennent sur quelques données manquantes : la nuit est-elle claire ? sans lune ? Pourquoi ce choix d’échelle du quadrillage de la zone ? Pourquoi choisir tels points caractéristiques pour se guider de nuit ? Sont-ils sûrs qu’il n’y en a pas de plus facilement indentifiables ? Leur expérience du terrain, maintes fois éprouvée en conditions réelles est un enrichissement incontestable pour guider les stagiaires qui marcheront bientôt dans leurs pas.

Dans une salle d’instruction, de l’autre côté de la base, les PN stagiaires reçoivent les dernières recommandations du capitaine de réserve Totoche pour leur épreuve de Survie combat. L’ambiance est studieuse et très calme. Redoutent-ils les deux nuits et les deux jours qui les attendent dans la forêt landaise par un froid piquant et humide ? ou bien redoutent-ils leur potentielle capture ?

Pas le temps de leur poser la question, c’est l’heure du départ ! Direction les bois. Les PN sont répartis par binômes et déposés sur différentes localisations, dans la nuit. Ils doivent désormais rejoindre un point de rendez-vous et vivre selon les quatre règles de la survie en attendant leur extraction.

A la manœuvre : le capitaine, entouré d’une dizaine d’instructeurs, tous fusco (fusiliers commandos), aviateurs, marins et soldats, et comme toujours d’une infirmière et d’une auxiliaire sanitaire.

« Je suis le chef de stage. Je suis là pour superviser et prendre les décisions en cas de problème et aider les instructeurs si besoin ».  Ce qu’il ne dit pas, c’est que lors des missions en forêt c’est aussi le chef cuisinier de l’équipe ! Omelette garnie, crêpes… il dorlote son équipe ! On se dit qu’on a bien fait de venir.

Le capitaine Totoche encadre neuf à dix stages par an. Sa motivation principale ? « Je me suis dit que venir au CFSS permettrait de transmettre mes savoirs aux jeunes avant qu’ils partent sur le terrain. Ils ne connaissent pas l’épreuve du feu et ne la connaitront sans doute jamais, mais nous on a tellement de vécu opérationnel qu’on peut bien faire passer le message qu’il est important pour eux de bien tout assimiler car on sait ce qui les attend pour l’avoir vécu. » (Pour en savoir plus sur le capitaine et son parcours dans l’armée, c’est par ici)

Les CPA30 et les PN évoluent dans la forêt pendant deux nuit et un jour. L’équipe CFSS quant à elle assure les contacts radios prévus à heures fixes avec les commandos, inspecte les bivouacs et les trous des PN, vérifie que tous les stagiaires vont bien (froid, hydratation, blessures…). C’est surtout l’occasion de donner des recommandations et de débriefer sur leurs progressions.

Au matin nous sommes allés inspecter le bivouac des opérateurs du 30. Bon point : les abords étaient piégés au moyen de fumigènes, ils ont donc été alerté de notre approche et ont pu se préparer à l’éventualité d’une attaque. Moins bon point : ils n’étaient pas au rendez-vous pour le check radio quelques heures plus tôt. Problème technique. Le sergent Kevin et le commandant Richard on fait une pause dans l’exercice pour leur transmettre leurs remarques. Il est impératif de respecter les plages de transmission, cela ne doit pas se reproduire. Ils en profitent aussi pour leur donner des conseils d’amélioration sur la disposition des personnels sur le campement, afin que les opérateurs puissent mieux réagir pendant le reste du stage. Ces temps d’analyse permettent aux stagiaire de réagir et corriger le tir. Ils sont là pour apprendre, les instructeurs leurs dispenseront des conseils tout au long de la séquence.

Plus tard, nous avons accompagné le capitaine Totoche et l’adjudant-chef Maxence pour « débusquer » les PN Marine et Terre qui avaient pour mission de se créer des caches afin d’attendre le rendez-vous d’extraction sans être repérés. Trous, branchages, feuillages, souches, racines… Tous les moyens sont bons pour se fondre dans le paysage. Certains ont poussé l’exercice plus loin que d’autres : exploitation d’un trou naturel créé par le déracinement d’une souche ? Pas assez élaboré. Le marin est repéré immédiatement. Creuser un trou, planter des branches tout autour pour constituer un bosquet brise vue ? Bonne idée, beaucoup de travail, mais le rendu, peu naturel, a attiré notre regard. Se servir d’un amas de ronces existants et d’autres obstacles naturels pour rendre son trou difficilement visible et accessible ? Deux des pilotes de l’armée de Terre ont eu tout bon ! En revanche, on doute un peu quand ils nous affirment être confortablement installés pour y passer le reste de la journée et une bonne partie de la nuit !

Vient le matin du deuxième jour. Nous attendions un Caracal du Pyrénées pour une extraction des PN pour le CPA30 aussi vraie que nature, mais une mission prioritaire est tombée pour, évacuation par la route ce sera !

Les CPA arrivent au point de rendez-vous : FINEX.

Les PN sont capturés. Menottés et cagoulés ils sont ramenés sans qu’ils le sachent sur la base aérienne pour des séances d’interrogatoire. L’objectif de cette dernière phase de leur stage est de les confronter à la pression psychologique qui pourrait leur être imposée en cas de rapt. En tant que militaires français, ils seraient des cibles de choix, des sources de renseignement précieuses et des leviers de négociations prisés.

Ils réintègrent ensuite leurs unités marine et terre, plus riches d’une formation dispensée par l’armée de l’Air et de l’Espace qui pourrait un jour peut-être leur sauver la vie !

 

Texte et photo : E. Redondo, armée de l’Air et de l’Espace